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Aidez les prostituées en luttant contre le racisme

Billet publié dans le National Post, le 8 janvier 2014

Récemment, les médias canadiens ont commenté la décision de la Cour suprême d’abroger des lois sur la prostitution. Ils ont fait état de l'inégalité des femmes. Mais ils ont négligé un aspect fondamental du problème : la prostitution est aussi une question de racisme.

Au Canada, même si les prostituées proviennent d'une diversité de milieux, les femmes de couleur y sont surreprésentées.

Un raid policier récent dans 18 salons de massage de Colombie-Britannique a révélé que plus de 90% des femmes qui y travaillaient étaient asiatiques. Les femmes autochtones sont également très visibles dans la prostitution de rue, malgré le fait que la population autochtone ne représente qu’un peu plus de 4% de la population canadienne.

Notre organisation, l'Asian Women Coalition Ending Prostitution, a obtenu le statut d’intervenante dans le cadre de ce recours en Cour suprême. À titre d’organisation qui promeut l'égalité des femmes, nous applaudissons sa décision de reconnaître que les femmes ne devraient pas être punies pour le fait d’être prostituées. Elles devraient, au contraire, être lavées de tout dossier criminel pour cette raison.


Mais nous nous efforçons aussi d’aider le public à comprendre le véritable contexte racial de la prostitution. Les dernières pages des journaux locaux et les annonces classées affichées en ligne font état d'un recrutement disproportionné de femmes de couleur par l'industrie du sexe. On y constate les multiples stéréotypes racistes insidieux utilisés contre les femmes asiatiques dans la prostitution : «exotique», «fraîchement arrivée en ville» et «geisha» sont des descriptifs courants.

Ces stéréotypes sont utilisés pour «vendre» des femmes asiatiques aux hommes, et pour créer une attente au sujet de ce que les acheteurs peuvent exiger des femmes asiatiques en termes de comportement et d’actes sexuels. Ces stéréotypes renforcent également dans la société des attitudes et des attentes beaucoup plus vastes à l’endroit des femmes et des femmes de couleur – qu’elles soient ou non prostituées.

Qu’en est-il de la représentation de la femme asiatique dans la culture populaire? Les médias traditionnels la présentent comme une «bolée» effacée, une immigrante ou une prostituée. Ou sinon, le cinéma fait de la femme asiatique une jeune Fleur innocente de l'Orient ou une Femme-Dragon séductrice, stéréotypes courants à Hollywood. Ces clichés racistes de femmes asiatiques sont renforcés par l'industrie du sexe, pour divertir les hommes et pour faire de l'argent.

En choisissant de suspendre pour un an l’exécution de son jugement, la Cour suprême offre au Parlement la possibilité de rédiger une nouvelle législation. C'est une porte ouverte à la création d’une nouvelle loi plus conforme à l'approche adoptée par les pays progressistes, le modèle nordique. Dans ce schème juridique, les lois contre la prostitution s’appliquent aux macs et aux acheteurs, plutôt qu'aux femmes prostituées.

Mais il nous faut réformer profondément l’aide sociale et les programmes destinés aux pauvres et aux personnes à risque d'exploitation, dont les femmes de couleur.


Par ailleurs, le modèle nordique n'est pas uniquement une approche juridique. La prostitution y est reconnue comme une forme de violence anti-femmes, qui doit également être abolie par des moyens économiques, sociaux et politiques.


Pour que ce modèle fonctionne, il nous faut réformer profondément l’aide sociale et les programmes destinés aux pauvres et aux personnes à risque d'exploitation, dont les femmes de couleur. C’est la seule façon d’empêcher les entremetteurs, les propriétaires de maisons closes et les prostitueurs de pousser vers l’industrie du sexe les femmes vulnérabilisées – y compris celles qui subissent les pressions supplémentaires du sexisme raciste des hommes.

La prostitution joue un rôle dans l’aggravation des inégalités raciales au Canada. En tant que pays qui aspire à être une société multiculturelle progressive, nous devons envisager réellement de mettre un terme à la prostitution, si nous voulons promouvoir la liberté, la sûreté et la sécurité de la personne pour toutes et chacun.


Sarah M. Mah est membre de l’Asian Women Coalition Ending Prostitution

Source :

https://nationalpost.com/opinion/sarah-m-mah-help-prostitutes-by-fighting-racism


Traduction : Martin Dufresne et Michele Briand




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